Toute la Culture - Entre théâtre, cinéma et élevage canin

 
 

Le metteur en scène Alexandre Zeff, à l’origine de mises en scène de Jaz et Big Shoot de Kofi Kwahulé, monte actuellement une adaptation du roman Tropique de la violence de Nathacha Appanah, lauréat du Prix Fémina des Lycéens en 2016 et du Prix France Télévision en 2017. Nous avons pu assister, dans la salle Églantine du Théâtre Romain Rolland de Villejuif, à un travail un peu particulier : un tournage avec un chien, Ice.

Alexandre Zeff aime le mélange des genres : son adaptation de Jaz mélangeait théâtre et musique. Quant au cinéma, il y a goûté lui-même à plusieurs reprises, puisqu’il a réalisé plusieurs courts-métrages et un long-métrage documentaire, Rencontres.

Pour l’adaptation du roman de Nathacha Appanah, il a décidé, avec son comparse le scénographe Benjamin Gabrié, de recourir à des projections sur tulle. Trois tulles tendus à différentes distances de la salle, de façon à jouer sur la profondeur de champ. Aussi le travail de création repose-t-il en partie sur le tournage des films projetés. Aujourd’hui, c’est au tour du chien Ice d’être l’objet de toutes les attentions. Il incarnera Bosco, le chien du personnage principal, Moïse.

Cet acteur un peu particulier connaît l’art de poser : il a déjà fait des photos de mode. Le travail qui lui est demandé est toutefois beaucoup plus imposant : il ne s’agira pas seulement de capter la lumière – ce qu’il fait merveilleusement – mais aussi de répondre aux attentes du metteur en scène. 

Alexandre Zeff peut compter sur l’aide de Victorine Reinewald, dresseuse de chiens, qui connaît Ice depuis trois ans. Très attentive aux émotions de l’animal, elle lui parle avec une douceur et une complicité qui vont à l’encontre de l’image que l’on a bien souvent du dressage : des phrases longues et pleines d’empathie, au rebours des ordres brefs que l’on entend souvent dans les reportages sur le sujet. 

Pour aider Ice à se mouvoir sans que cela ne se perçoive à l’écran, Victorine Reinewald est enrobée d’un rideau en velours noir, qui se confond avec l’obscurité du plateau. Cette « cape d’invisibilité », comme elle l’appelle, emprunte au vocabulaire du théâtre noir. Pour fonctionner, ce système repose sur un subtile travail d’éclairage, assuré par Fabrice Bihet, régisseur de la Salle Églantine, et Margot Rogron, régisseuse sur le spectacle Tropique de la violence.

Comme le métier de dresseur, d’ailleurs, celui du metteur en scène et du réalisateur est un art du tâtonnement : répéter plusieurs fois le même geste pour qu’il soit juste, chercher la bonne lumière, le bon objectif… Un art de la débrouille aussi : pour éviter que les projecteurs ne s’y reflètent, les bandes blanches des baskets de la dresseuse sont recouvertes par le meilleur ami de l’homme de théâtre, le gaffer. Ses gants, noirs également, sont enduits d’huile de thon pour attirer le chien et permettre au  metteur en scène de filmer le museau d’Ice en train de lécher.

Et, peut-être, un art de la chance : Ice a les yeux vairon, comme le personnage de Moïse dans le roman. Difficile, pour un artiste, de ne pas s’en saisir. Aussi la journée s’est-elle achevée sur des photographies des yeux du berger australien.

Cette journée de tournage au Théâtre Romain Rolland sera suivie de résidences de répétition à L’Espace Marcel Carné de Saint-Michel-sur-Orge. Alexandre Zeff se rendra ensuite à Mayotte en août, pour compléter son approche du roman de Nathacha Appanah. On pourra voir la pièce à partir de novembre 2020 au Théâtre Romain Rolland et au Théâtre de la Cité internationale.

Texte et photographies : Julia Wahl

Article original sur Toute la Culture.

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